https://fkm.ac.id/ https://shm.ac.id/ Togel Lotto Rtp meraktoto slot gacor slot gacor 2025 meraktoto meraktoto meraktoto meraktoto Slot Gacor Terpercaya Lucky Neko wisatajatim.co.id sportnewsindonesia.com MERAKTOTO MERAKTOTO MERAKTOTO slot online slot gacor maxwin slot dana 10k MERAKTOTO MERAKTOTO MERAKTOTO LOGIN Situs Toto Slot
Évêque auxiliaire de Lyon - Le Prado

EXPO ANCEL 2024

Évêque auxiliaire de Lyon

Alfred Ancel - Evêque auxiliaire de Lyon

Auxiliaire à vie

Extrait (pages 139-141) de l’ouvrage de Mgr Olivier de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984, Centurion,1988.

Par une journée froide de l’hiver, le Père Joseph Ancel raconte qu’il rencontra par hasard son frère Alfred place Bellecour. Celui-ci débouchait sans hâte de la rue Auguste Comte, et, curieusement, il avait l’air « tout triste» :
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Je n’en reviens pas moi-même. Figure-toi que le cardinal m’a convoqué pour me demander, au nom de l’obéissance, de devenir son évêque auxiliaire. Je compte sur toi pour la discrétion. Mais, tu vois, je suis bouleversé.
– C’est une bonne nouvelle, ça ! Qu’un prêtre comme toi, qui vis dans l’esprit de pauvreté évangélique du Prado devienne évêque, moi ça me ferait plaisir au contraire… Ne crois tu pas que l’épiscopat a besoin de ton témoignage ?
– ….
Alfred Ancel était sincèrement bouleversé. Il n’avait qu’un désir, c’était de rester au service du Prado qu’il voyait en pleine croissance. Et c’était bien parce que le cardinal Gerlier l’avait assuré qu’il le laisserait poursuivre sa tâche de Supérieur qu’il ne pouvait lui opposer un refus. Malgré lui, en effet, le Père Ancel ne passait pas inaperçu dans l’Église de France. L’archevêque de Paris, le cardinal Emmanuel Suhard, dont le rayonnement était si grand alors, avait observé cette modeste personnalité du clergé lyonnais. Il avait fait savoir au cardinal Gerlier qu’il souhaitait le voir devenir évêque titulaire d’un diocèse. Se sentant lui-même décliner, le cardinal Suhard cherchait des hommes qui poursuivraient l’intense labeur missionnaire dont il était l’un des initiateurs. Alfred Ancel, par sa formation évangélique au Prado et ses publications sur les problèmes de pastorale ouvrière, lui semblait l’un de ceux-là.
Le cardinal Gerlier comprenait son éminent collègue de Paris. Mais il comprenait aussi le choix intérieur d’Alfred Ancel. C’est pourquoi il avait trouvé cette solution, acceptée par Pie XII lui-même, de le faire nommer à Lyon sans l’enlever au Prado. Lorsqu’il le présenta avec enthousiasme à ses diocésains le 24 février 1947, il écrivit dans la Semaine Religieuse : « Cet apôtre de Jésus-Christ, philosophe, théologien, sociologue, qui aspire à réaliser dans toute sa vie les traits du Véritable Disciple a d’abord la hantise des souffrances de la masse populaire, déchristianisée, délaissée, paganisée (…). Devait-il abandonner le Prado, au risque de compromettre une si bienfaisante extension ? (…). Le Souverain Pontife a daigné garder le Père Ancel au Prado, où il va rester, sans le refuser à l’épiscopat. »
Le cardinal Suhard, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, assista en personne au sacre du nouvel évêque, qui fut célébré à la primatiale Saint-Jean le 25 mars, jour choisi par lui parce que, dans le calendrier liturgique, c’est la fête de l’Annonciation à Marie. Mgr Lebrun, évêque d’Autun, et Mgr Bornet assistaient le cardinal Gerlier dans le rite d’ordination. Et trois semaines plus tard, le cardinal Suhard écrira à Mgr Ancel :
« Excellence et très cher Seigneur,
« Votre lettre du 12 avril m’exprime la joie que vous avez ressentie de ma présence à votre consécration épiscopale. Je tiens à vous dire que cette joie je l’ai ressentie moi-même le premier. La satisfaction que j’éprouvais de ce Sacre n’était pas seulement la perspective d’un Épiscopat qui s’avère fécond pour l’Église, mais encore la consécration d’une œuvre qui m’apparaît de plus en plus utile et providentiellement préparée pour l’Église catholique dans notre pays de France.
« Comment ne pas admirer au surplus, l’action de la Providence qui s’est servie de cet homme de Dieu qu’était le Père Chevrier pour lui faire produire même au-delà de ses pensées personnelles, tout l’idéal que comporte l’œuvre dont il a lui-même jeté les premiers fondements ? Cette œuvre devait porter dans le monde l’idéal de la sainteté et de la pauvreté du Christ dans la conquête des âmes et il se trouve qu’aujourd’hui, par la formation d’un clergé qui s’inspire de cette pensée, l’idée non seulement se fait jour, mais encore s’avère de plus en plus assurée et puissante… »
Rendant compte de la cérémonie, le quotidien indépendant La Liberté avait conclu sur un sentiment général : « L’Église de Lyon peut se réjouir, elle a bien l’évêque qu’il lui faut dans les temps que nous vivons .»
Au Prado aussi on était en liesse. Aimé Suchet dit simplement, au cours des nombreux toasts qui suivirent le repas du sacre : « Ce qui nous a surpris d’ailleurs, ce n’est pas qu’on ait jeté les yeux sur notre Supérieur ; ses mérites nous sont trop connus… mais c’est que l’abri qu’il s’était volontairement choisi en venant parmi nous, se soit révélé inefficace. »
[…]

Alfred Ancel n’était pas l’évêque du Prado

Extrait (pages 143-144) de l’ouvrage de Mgr Olivier de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984, Centurion,1988.

[…] Alfred Ancel n’était pas « l’évêque du Prado», quelles que fussent les confusions qu’en dehors de Lyon on pouvait entretenir à ce sujet. Mais il est juste de reconnaître que sa fonction d’évêque, en l’introduisant comme un égal parmi ses pairs dans l’Église de France, lui ouvrit bien des portes. Son autorité personnelle faisant le reste, cette ordination du 25 mars 1947 eut sur l’histoire du Prado, et, indirectement, sur celle de l’évangélisation du monde ouvrier français, des répercussions qu’il y aurait lieu d’évaluer. Mgr Ancel entendait distinguer, quant à lui, ses deux fonctions très astreignantes, et on se demande où il a trouvé le temps d’accomplir tant de tâches, depuis les confirmations jusqu’aux innombrables conférences et réunions avec les groupes les plus divers. Son excellente santé, sa capacité de s’endormir sitôt la veilleuse éteinte à une heure avancée de la nuit, sa souplesse étonnante pour passer d’un travail à l’autre n’expliquent pas tout. Il avait aussi une aptitude à vivre en présence du Christ, dont il avait conscience, partout, d’être un « représentant ».


L’hypothèse que Mgr Ancel quitte Lyon pour devenir l’évêque titulaire d’un grand diocèse fut faite plus d’une fois… par d’autres que lui-même. La plus sérieuse des alarmes qu’il connut en ce sens ne tarda guère après sa nomination, puisqu’elle survint précisément à la mort du cardinal Suhard le 30 mai 1949. Parmi les noms qui circulaient déjà depuis le début de la maladie de ce dernier pour son remplacement à Paris, celui d’Alfred Ancel revint avec une telle insistance que celui-ci crut nécessaire d’écrire au cardinal Gerlier :
« Éminence,
« Vous ne pouvez ignorer certains pronostics qui se font à mon sujet, concernant la succession du cardinal Suhard (…). Si jamais vous appreniez que mon nom était mis en avant, je vous serais reconnaissant de faire connaître à la nonciature, avant que l’on ne procède à des démarches plus officielles, certaines objections que je crois, en conscience, devoir exposer (…). » Ici, le Père Ancel mettait en avant ses « déficiences personnelles ». Puis : «Je suis de plus en plus persuadé que le Prado est œuvre de Dieu, que le message du Père Chevrier vient d’en haut et que la rénovation spirituelle qu’il a voulue-selon l’Évangile est un moyen providentiel que Dieu a mis à la disposition de son Église pour qu’elle puisse mieux s’adapter aux besoins contemporains. Si on avait écouté plus tôt le message du Père Chevrier, il me semble qu’il ne se serait pas établi, entre les ouvriers et l’Église, cette barrière qui paraît maintenant infranchissable. La mission du Père Chevrier date de 1856. Elle a suivi de huit ans le Manifeste du Parti communiste. Il y a des rapprochements qui s’imposent (…).»


Enfin, après avoir rappelé au Cardinal que le Prado est en pleine extension et lui avoir dit qu’à son point de vue personne n’est encore prêt à lui succéder, il révèle pour la première fois à son archevêque un projet qu’il a nourri en lui : « … J’espère bien que, d’ici quelques années, je pourrai laisser à d’autres la place que j’occupe au Prado. Je pourrais, à ce moment-là, demander au Souverain Pontife la permission de rejoindre nos prêtres travaillant en usine. Ils aimeraient avoir un évêque avec eux. Certes, ils sont heureux de la confiance qui leur est témoignée par la hiérarchie. Mais s’ils avaient un évêque avec eux, leurs camarades ouvriers comprendraient mieux qu’ils sont d’Église. Restant évêque auxiliaire de Lyon, je pourrais à la fois, si je pouvais vivre avec eux, marquer l’unité de l’Église et son établissement dans le prolétariat.»

Alfred Ancel et Mgr Pierre-Marie Gerlier
Les débuts de l’action catholique et des prêtres ouvriers 
Extrait du Blog www.enmanquedeglise.com – Article publié le 1 janvier 2025 par le père Michel Durand.

Mgr Pierre-Marie Gerlier
Mgr Pierre-Marie Gerlier
Mgr Alfred Ancel
Mgr Alfred Ancel

La lecture et l’étude avec Christoph Theoblad puis, les enregistrements vidéo avec Cesare Baldi à propos de son livre L’Église c’est nous ne peuvent que rejoindre les réflexions de type “révision de vie” qu’engendra le travail de Goulven m’entretenant pour la rédaction du livre : Michel Durand, un prêtre engagé entre fidélité et insoumission.

De tout temps, me semble-t-il, j’ai affirmé que les communautés chrétiennes des paroisses (Églises locales) n’étaient pas missionnaires. On me répondait que, de fait, elles étaient missionnaires, essentiellement missionnaires, et que mon accusation ne tenait pas la route. Or, aujourd’hui j’observe encore et affirme le manquement d’attitudes missionnaires de la vie ordinaire des paroisses. Je le constate à propos de la paroisse du quartier où je vis désormais depuis plus de dix ans, la paroisse Saint-Maurice/Saint-Alban. Je sais que dire cela ne fait pas plaisir aux paroissiens alors je tente de m’expliquer, d’argumenter ; il me semble que je n’arrive pas vraiment à me faire entendre. Bref, ce constat n’invite-t-il pas à une sorte de permanente révision de vie de fin de vie ?
Si j’avais à reprendre des études pour entrer dans une nouvelle vie terrestre, j’entreprendrais des études de théologie pastorale, théologie pratique qui me ferait ouvrir les livres d’histoire du début du XXe siècle. Que disait-on ? Que vivait-on pastoralement pour rencontrer, évangéliser les gens hors des paroisses avant la guerre de 1914-18 ? Je remonte au source de l’Action catholique.
Me documentant sur Alfred Ancel, évêque auxiliaire de Lyon, supérieur du Prado, j’ai lu un livret publié en 1987, éditions lyonnaises d’art et d’histoire, qui aborde la vie de Pierre-Marie Gerlier, archevêque de Lyon, 1880-1965. Cela semble être une conférence donnée par Régis Ladous, Université Jean Moulin, Lyon III, à l’occasion d’une exposition au musée de Fourvière évoquant Pierre-Marie Gerlier. J’extrais de cet exposé quelques pages qui montrent le souci missionnaire de l’Église avec la naissance de l’action catholique. Alors qu’aujourd’hui l’Église de France (celle que je connais maintenant) semble se replier sur le culte, voire dans ses sacristies, il me semble important de reprendre l’Histoire de la mission ouvrière, des Prêtres-Ouvriers (P.O.), des prêtres au travail, de l’action catholique afin d’étudier sérieusement la mission de l’Église en son siècle.

 

Page 5
« 1921 : ordonné prêtre dans la force de l’âge et après une longue expérience de la vie laïque, Pierre-Marie Gerlier songea naturellement à mettre au service de l’Église les talents qu’il avait prodigués au Palais : troquant la robe pour la soutane, il aurait voulu s’adonner à la prédication parmi les missionnaires diocésains de Paris. Son archevêque se souvint plutôt qu’il avait été le très efficace président de l’ACJF*, et le nomma tout de suite sous-directeur des œuvres du diocèse. De son action à ce poste, un épisode se détache : la fondation de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne.
Gerlier n’intervint qu’au terme du processus, mais d’une manière décisive. C’est en 1925 que la JOC fut lancée officiellement, en Belgique, par l’abbé Joseph Cardijn. L’année suivante, il fut imité par Georges Guérin, devenu vicaire de Clichy. Mais l’ACJF, à direction plutôt bourgeoise, n’entendait pas au tout se laisser déposséder de l’apostolat en milieu ouvrier. À son congrès national de 1927, elle retint justement pour thème l’apostolat auprès des jeunes ouvriers. Le risque était donc de voir se constituer deux organisations rivales : une JOC française exclusivement composée de jeunes travailleurs, sur le modèle belge ; et une antenne ouvrière de l’ACJF, essentiellement contrôlée par la bourgeoisie. Avec, en perspective, un arbitrage pontifical et un épisode aussi désagréable que la condamnation du Sillon, en 1910 (Cf Michel Launay, Réflexion sur les origines de la J.O.C., in Mouvements de jeunesse, Paris 1985, pp. 224, 229, 230). 

* Création par Albert, de Mon de l’Action Catholique de la Jeunesse Française, 1886.

Page 11-12
« Autre initiative, logée cette fois au cœur, même du Diocèse de Lyon : la révolution, pastorale amorcée par l’abbé Laurent, Rémillieux dans la paroisse nouvelle de Notre-Dame de Saint-Alban, dans l’Est lyonnais : paraliturgies en français, messes dialoguées, messes du soir, autel tourné « face au peuple », suppression des quêtes pendant les offices, participation des laïcs à la vie pastorale : ce que l’on appela la « paroisse communautaire ». Là encore, l’initiative précède l’arrivée de Gerlier à Lyon et ne correspond pas aux objectifs prioritaires du cardinal. Là encore, il découvre, il apprend, et décide de soutenir Rémillieux en un temps où des prêtres très engagés dans l’Action catholique, voire dans la JOC, comme l’abbé Rodhain, tenaient le latin pour intangible, la messe du soir pour impensable, l’autel face au peuple pour suspect et, d’une manière générale, toute altération liturgique pour semeuse d’hérésies. Ne parlons pas de la Curie romaine… En 1943, la création à Lyon du centre de pastorale liturgique officialise un soutien d’autant plus méritoire que Gerlier lui-même était loin de partager toutes les idées de Rémillieux et de ses disciples. En 1945 encore, le cardinal, qui était personnellement d’une grande prudence en la matière, considérait la célébration face au peuple (la « messe à l’envers ») comme « un mode exceptionnel et limité » (Jacques Gadille, Histoire des Diocèses, le diocèse de Lyon, op., cit., p. 297). Ce fut cette prudence qui, d’une manière générale, sauva plusieurs initiatives lyonnaises d’une condamnation romaine et leur permit d’aboutir, ou de se développer. »

Page 28
Les Saints vont en Enfer
L’apparition des prêtres ouvriers a été précédée d’une longue préhistoire qu’Émile Poulat a décrite avec minutie (Naissance des prêtres ouvriers, Paris, 1965) ; mais c’est la deuxième guerre mondiale qui a permis au projet d’aboutir et de se concrétiser. Elle a provoqué en effet le transfert en Allemagne de plusieurs centaines de milliers de travailleurs français : volontaires, déportés du travail (STO) et « transformés » (prisonniers de guerre ayant accepté d’être transformés en travailleurs « volontaires »).
À cette situation est venu s’ajouter, du point de vue religieux, un double refus. Refus de Suhard puis de Gerlier d’un régime de faveur pour les prêtres et séminaristes touchés par le STO : ils devaient partager le sort commun. Refus des autorités nazis de faire bénéficier les travailleurs français en Allemagne de l’assistance spirituelle et morale d’aumôniers français. Suhard, suivi par Gerlier, décidèrent alors de rompre avec une tradition séculaire et d’autoriser des prêtres à exercer leur ministère sacerdotal dans la clandestinité, ce qui les obligeait évidemment à ne se distinguer en rien du gros des immigrés français et à travailler à temps plein dans les usines, les chantiers et les fermes du Reich. Ajoutons que dans les camps de prisonniers de guerre et les camps de concentration, de nombreux prêtres se trouvèrent eux aussi dans la nécessité de vivre leur sacerdoce en rupture complète avec le modèle classique.
Mais ce n’est pas seulement à l’intérieur des frontières du Grand Reich que la guerre favorisa ruptures et initiatives. La défaite-éclair de la France provoqua un examen de conscience qui réactualisa le thème déjà ancien de la « France, pays de mission », tout en renouvelant complètement la conception traditionnelle de la mission intérieure. Là, encore, ce fut Suhard, qui fit œuvre de pionnier et fonda, en pleine guerre, la Mission de France, puis la Mission de Paris. Mais Gerlier suivi le mouvement et contribua puissamment à son essor grâce à son prestige, à ses talents d’organisateur, à ses dons de médiateur habile à gérer les situations difficiles et conflictuelles.
Car il y eut conflit ; et le plus extraordinaire dans cette affaire est que Gerlier aurait dû normalement se trouver dans le camp des adversaires des prêtres ouvriers. En effet la Mission de France et la Mission de Paris peuvent se définir par une triple rupture par rapport à la lourdeur d’une Action catholique « emparoissialisée », à la tradition sulpicienne du sacerdoce, et aux organisations confessionnelles comme la CFTC. Or Gerlier restait très attache à l’Action catholique, c’est-à-dire à la collaboration des laïcs et de la hiérarchie dans le cadre de la paroisse. Il avait été formé par les Messieurs de Saint-Sulpice et demeura toute sa vie le partisan de la vie sacerdotale sous sa forme la plus traditionnelle : ce fut ainsi que le 17e Congrès Eucharistique national, qui se tint à Lyon en 1959, lui fournit l’occasion de célébrer avec faste le centenaire de la mort du saint curé d’Ars. Il recommandait volontiers aux catholiques de s’engager dans le syndicalisme chrétien, alors que le conflit entre ce dernier et la nouvelle formule missionnaire fut tellement aiguë que le président de la CFTC, Gaston Tessier, alla jusqu’à assigner les prêtres ouvriers en diffamation devant le tribunal ecclésiastique. Tout cela n’empêcha pas Gerlier d’encourager, en 1946, l’apparition des prêtres ouvriers dans son diocèse.
Cette ouverture d’esprit relève sans doute de ce que Jean Guitton appelle le don de « seconde adolescence », cette capacité qu’ont des êtres d’exception de se renouveler ou d’accueillir le renouveau alors qu’ils ont atteint un âge déjà avancé. Mais on peut tout aussi bien souligner la continuité d’une attitude : Gerlier, peu doctrinaire, n’a jamais voulu désespérer personne ni décourager aucune initiative dès qu’il flairait la qualité des pionniers, l’espérance qu’ils portaient en eux et la nécessité de leur entreprise. Or il y avait nécessité, et même urgence. La France de 1946 est un pays où un électeur sur quatre votes communistes, où les partis réputés marxistes (PCF et SFIO) détiennent les deux tiers des sièges à l’Assemblée nationale. Dans l’agglomération lyonnaise, 7 % des contremaîtres et ouvriers qualifiés, 1,4 % des O.S. pratiquent régulièrement ou occasionnellement la religion catholique. Il est évident que de ce côté-la les gros bataillons n’ont pas été touchés par l’Action catholique ou le syndicalisme chrétien, et n’ont que de très lointains rapports avec les prêtres de paroisse.
Autoritaire sans autoritarisme, Gerlier se plaisait au conseil et fut bien éclairé sur ces questions par des hommes de la trempe de l’abbé Ancel – dont il sera question plus loin — ou encore par les théologiens de Fourvière. Ceux-ci, pendant et après la guerre, ont joué un rôle essentiel dans cette « large effervescence intellectuelle liée à la perception diffuse d’une situation culturelle nouvelle. Il fallait être chrétien non plus contre un monde qui ne l’était plus et devait le redevenir, mais dans un monde où l’identité chrétienne faisait de plus en plus problème ». Devait-on s’efforcer de reconstruire une cité chrétienne (thèse de l’Action catholique) ou ne plus songer qu’à l’animation d’un monde sécularisé (thèse des prêtres ouvriers) ? Certains, amoureux de logique ou peu sensible aux vertus du pluralisme, estimaient que les deux thèses s’excluaient radicalement. D’autres, pragmatiques, pasteurs avant tout et doués d’un regard périscopique, pensaient qu’il fallait parer au plus pressé et qu’il y avait de la place pour tous dans l’énorme tâche d’évangélisation qui s’imposait à l’Eglise de France.
Gerlier appartenait à ce dernier type, bien sûr ; il accepta les curés en salopette ou en bleu de chauffe car pour lui il n’y avait pas à choisir entre les deux formules, l’Action catholique et les prêtres ouvriers ; sa préférance allait à la première, mais il était bien conscient, comme Suhard, qu’il « fallait annoncer l’Evangile à une révolution » et que l’enjeu méritait des moyens exceptionnels. A long terme, le cardinal restait attaché à la stratégie de type ACJF. A court terme, il reconnaissait l’utilité de la tactique « prêtres ouvriers », à condition qu’elle ne fût pas présentée comme un modèle absolu de vie sacerdotal mais comme une formule d’exception imposée par les circonstances.
Cardinal des orages, il soutint l’engagement des prêtres ouvriers au moment où, en pleine guerre froide, se durcissait un contentieux global entre l’Eglise de France et la Curie romaine. Deux dates balisent ce durcissement : le décret du Saint-Office du 1er juillet 1949 qui renouvelait la condamnation du communisme et permit de démanteler méthodiquement les entreprises qui se disaient ou que certains informateurs disaient « progressistes » (l’on a vu comment le catéchiste Joseph Colomb fut sauvé in extremis par Gerlier). L’encyclique Humani generis de 1950, elle, visait les exégètes, les historiens, les philosophes, avec Fourvière dans le collimateur (Gerlier dut se faire le saint-bernard du père de Lubac, interdit d’enseigner pendant dix ans). On le voit, l’expérience des prêtres ouvriers ne se développa pas dans un climat de grande sérénité, d’autant plus que les « media » s’emparèrent de leur cas ; le roman que leur consacra Gilbert Cesbron, Les Saints vont en Enfer, fut un best-seller.
Mais ce fut bien pour des raisons fondamentales, indépendantes de la conjoncture immédiate, qu’en 1953 le pape Pie XII signifia aux responsables de l’Eglise de France son intention d’interrompre l’expérience. Gerlier, avec Feltin de Paris et Liénard de Lille, prirent aussitôt le train. Venus tout exprès à Rome pour dissuader le pape, persuadés de surcroît qu’ils y réussiraient, ce furent eux au contraire qui furent persuadés. Pie XII « avait pour lui la logique d’un système » ou, si l’on préfère, la logique d’une conception cohérente, intégrale et exclusive du sacerdoce. Deux bases pour cette conception : d’abord la conception tridentine, qui fait du prêtre un homme à part ; puis la conception militante de Léon XIII, l’idée de ce tandem aumônier-laïc qui fonde l’Action catholique. Tout au plus les trois cardinaux sauvèrent-ils l’avenir en évitant que fût explicitement condamné le principe même du prêtre au travail.

Parmi les prêtres ouvriers qui refusèrent de se soumettre, en 1954, il faut compter, à quelques exceptions près, les équipes de Lyon et de Saint-Etienne. Ce fut pour Gerlier une grande souffrance, et cruelle à double titre : « Il avait espéré que, par eux, le Christ et l’Eglise pourraient pénétrer plus avant au cœur du monde ouvrier ; et, par ailleurs, ils étaient ses fils spécialement aimés. Sans leur donner raison, il se refusa à porter des sanctions, gardant assez de confiance en eux et d’affection pour eux pour croire patiemment à leur retour un jour.
Les prêtres ouvriers furent mis en réserve de l’Eglise au moment où le diocèse de Lyon modifia ses frontières, s’étendit vers l’Est et annexa la grande commune ouvrière de Villeurbanne.
A Lyon même, Gerlier réussit non seulement à sauver l’avenir mais encore à poursuivre l’expérience, d’une manière plus modeste, grâce à l’abbé Ancel et ses prêtres du Prado. Professeur de philosophie à l’Institut catholique de la rue du Plat, Alfred Ancel fut élu supérieur des prêtres du Prado en 1942. Fondée au XIXe siècle par le père Chevrier pour évangéliser les pauvres, la communauté du Prado fut vigoureusement prise en main et développée par Ancel, qui, en 1946, envoya quelques pradosiens en usine. Gerlier sanctionna cette initiative avec éclat en sollicitant Pie XII, en 1947, de nommer l’abbé Ancel, évêque auxiliaire. Mgr Ancel développa dans le quartier populaire de Gerland un patronage interparoissial pour l’accueil des travailleurs immigrés, ainsi qu’un centre de rééducation modèle (Jacques Gadille, Histoire des diocèses, le diocèse de Lyon, Paris 1983, p. 288). D’autre part il s’employa à implanter la communauté dans le monde entier. (En 1965, avec plus de 700 affiliés, elle était présente dans 76 diocèses français et 14 diocèses étrangers).
A la fin de 1954, Mgr Ancel fut autorisé à créer à Gerland une communauté de travail qui respectait – du moins Gerlier parvint à en persuader Rome — les interdits pontificaux de 1953 : pas d’engagement syndical ou politique et, dans la grande tradition lyonnaise des canuts, travail manuel à domicile. Pas question d’usine, pas de promiscuité avec le communisme athée, et des horaires souples compatibles avec l’exercice d’activités sacerdotales de type classique. Ce fut ainsi qu’en compagnie de deux prêtres et de deux frères du Prado, Mgr Ancel devint le premier évêque ouvrier de France. Lui dénier cet épithète d’ouvrier serait oublier que le tissu industriel de la France était loin de se résumer au monde des usines, mais était animé par une multitude de petits ateliers de sous-traitance – ce que fut bien la communauté de Mgr Ancel (Emile Poulat, Une Eglise ébranlée, Paris 1980, p. 137).
C’était discret, modeste, mais encore trop visible pour certaines autorités romaines. Il est vrai que Gerlier, ses collègues de Lille et de Paris et d’autres évêques français firent beaucoup pour rouvrir le dossier en haut lieu quand ils rédigèrent, à la fin de 1958, une note qui soulignait la nécessité d’une présence sacerdotale à temps complet dans les usines et sur les chantiers. En 1959, les prêtres du Prado reçurent du Saint-Office l’ordre d’abandonner tout travail manuel. Ils se soumirent immédiatement. Ce fut alors que Mgr Ancel précisa que l’apostolat au Japon (d’où il revenait) lui semblait, malgré d’exceptionnelles difficultés, « moins difficile que l’apostolat dans le milieu ouvrier français » (Emile Poulat). Restait tout l’autre pan de l’œuvre de Gerland : l’accueil dies travailleurs immigrés. Et, dans la France de 1959, ce n’était pas là une activité particulièrement paisible. Elle fournit à Gerlier l’occasion de se réaffirmer comme un défenseur des droits de la personne humaine et aussi comme un grand avocat habile à confondre certains policiers au zèle un peu intempestif.

Dans la guerre d’Algérie 

1954, ce fut la fin brutale de l’expérience des prêtres en usine ; ce fut aussi le début d’une guerre qui entraîna des répercussions particulières dans le diocèse de Lyon, où les travailleurs algériens étaient nombreux. Du point de vue ecclésiastique, la situation se compliquait du fait que le cardinal Gerlier n’avait pas seulement soutenu les efforts de Mgr Ancel et de ses pradosiens pour organiser une véritable assistance sociale des Algériens : il avait également autorisé des prêtres à vivre complètement avec eux ; mieux : il les avait expressément délégués à leur service. « Mes frères », déclara-t-il un jour dans la chaire de sa Primatiale, « comme évêque, je suis responsable devant Dieu qui m’en demandera compte, de tous les habitants de ce diocèse et même de chacun, fût-il un musulman ».
Cette déclaration relève de la plus saine doctrine ; elle exprime aussi une grande générosité et une grande intelligence de la condition des immigrés. Pierre-Marie Gerlier aimait répéter cette confidence de l’un d’eux : « Ce qui nous fait mal, ce n’est pas d’avoir faim, d’avoir froid, mais c’est de nous sentir méprisés ». Lorsque des mouvements nationalistes comme le FLN s’implantèrent dans la communauté algérienne de Lyon, la situation de plusieurs prêtres devint vite délicate. Dans les périodes les plus difficiles, le cardinal les soutint et les défendit toujours énergiquement, comme il prit la défense de Témoignage chrétien, en mars 1958, alors que ce journal était devenu la cible de tous ceux qui n’envisageaient pour l’Algérie qu’une solution militaire.
Au mois d’octobre suivant, un policier des Renseignements généraux de Lyon informa la presse qu’une quinzaine d’Algériens appréhendés et interrogés avaient mis en cause trois prêtres du Prado. Les abbés Carteron, Chaize et Magnin étaient accusés d’avoir servi de répartiteurs de fonds pour le FLN. En fait l’abbé Carteron s’était borné à créer une caisse d’entraide pour les familles des Algériens emprisonnés. Quant aux abbés Chaize et Magnin, ils avaient simplement offert l’hospitalité à ce service en prêtant un des bureaux du Prado. Rien de clandestin dans cette activité, qui était parfaitement connue par les supérieurs des trois prêtres inculpés, Mgr Ancel et le cardinal en personne.
Tandis que l’abbé Magnin était inculpé d’atteinte à la sûreté du territoire, l’abbé Carteron attendit la fin de l’enquête policière pour se présenter directement devant le juge d’instruction ; et il le fit en accord avec ses supérieurs. C’est qu’il se passait parfois d’étranges choses, alors, dans certains commissariats. De Rome, où il était retenu par le conclave, Pierre-Marie Gerlier ne se contenta pas d’intervenir pour faire cesser les poursuites. Il passa à la contre-attaque et dénonça la torture : « Pour étayer ces accusations, certains membres de la police — je dis certains membres — n’auraient pas hésité à faire souscrire aux suspects musulmans des déclarations dont le caractère mensonger est aisé à discerner. Pour y parvenir, ils n’auraient pas reculé devant l’emploi de la violence et des sévices les plus graves (…) Je me crois en droit d’affirmer que tels de ceux qui ont subi ces traitements a été mis dans un état physique et moral grave » (H. Hamon et P. Rotman, Les porteurs de valises, Paris 1981, p. 122).

Alfred Ancel - Evêque auxiliaire - 2