EXPO ANCEL 2024

Évêque auxiliaire de Lyon

Alfred Ancel - Evêque auxiliaire de Lyon

Auxiliaire à vie

Extrait (pages 139-141) de l’ouvrage de Mgr Olivier de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984, Centurion,1988.

Par une journée froide de l’hiver, le Père Joseph Ancel raconte qu’il rencontra par hasard son frère Alfred place Bellecour. Celui-ci débouchait sans hâte de la rue Auguste Comte, et, curieusement, il avait l’air « tout triste» :
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Je n’en reviens pas moi-même. Figure-toi que le cardinal m’a convoqué pour me demander, au nom de l’obéissance, de devenir son évêque auxiliaire. Je compte sur toi pour la discrétion. Mais, tu vois, je suis bouleversé.
– C’est une bonne nouvelle, ça ! Qu’un prêtre comme toi, qui vis dans l’esprit de pauvreté évangélique du Prado devienne évêque, moi ça me ferait plaisir au contraire… Ne crois tu pas que l’épiscopat a besoin de ton témoignage ?
– ….
Alfred Ancel était sincèrement bouleversé. Il n’avait qu’un désir, c’était de rester au service du Prado qu’il voyait en pleine croissance. Et c’était bien parce que le cardinal Gerlier l’avait assuré qu’il le laisserait poursuivre sa tâche de Supérieur qu’il ne pouvait lui opposer un refus. Malgré lui, en effet, le Père Ancel ne passait pas inaperçu dans l’Église de France. L’archevêque de Paris, le cardinal Emmanuel Suhard, dont le rayonnement était si grand alors, avait observé cette modeste personnalité du clergé lyonnais. Il avait fait savoir au cardinal Gerlier qu’il souhaitait le voir devenir évêque titulaire d’un diocèse. Se sentant lui-même décliner, le cardinal Suhard cherchait des hommes qui poursuivraient l’intense labeur missionnaire dont il était l’un des initiateurs. Alfred Ancel, par sa formation évangélique au Prado et ses publications sur les problèmes de pastorale ouvrière, lui semblait l’un de ceux-là.
Le cardinal Gerlier comprenait son éminent collègue de Paris. Mais il comprenait aussi le choix intérieur d’Alfred Ancel. C’est pourquoi il avait trouvé cette solution, acceptée par Pie XII lui-même, de le faire nommer à Lyon sans l’enlever au Prado. Lorsqu’il le présenta avec enthousiasme à ses diocésains le 24 février 1947, il écrivit dans la Semaine Religieuse : « Cet apôtre de Jésus-Christ, philosophe, théologien, sociologue, qui aspire à réaliser dans toute sa vie les traits du Véritable Disciple a d’abord la hantise des souffrances de la masse populaire, déchristianisée, délaissée, paganisée (…). Devait-il abandonner le Prado, au risque de compromettre une si bienfaisante extension ? (…). Le Souverain Pontife a daigné garder le Père Ancel au Prado, où il va rester, sans le refuser à l’épiscopat. »
Le cardinal Suhard, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, assista en personne au sacre du nouvel évêque, qui fut célébré à la primatiale Saint-Jean le 25 mars, jour choisi par lui parce que, dans le calendrier liturgique, c’est la fête de l’Annonciation à Marie. Mgr Lebrun, évêque d’Autun, et Mgr Bornet assistaient le cardinal Gerlier dans le rite d’ordination. Et trois semaines plus tard, le cardinal Suhard écrira à Mgr Ancel :
« Excellence et très cher Seigneur,
« Votre lettre du 12 avril m’exprime la joie que vous avez ressentie de ma présence à votre consécration épiscopale. Je tiens à vous dire que cette joie je l’ai ressentie moi-même le premier. La satisfaction que j’éprouvais de ce Sacre n’était pas seulement la perspective d’un Épiscopat qui s’avère fécond pour l’Église, mais encore la consécration d’une œuvre qui m’apparaît de plus en plus utile et providentiellement préparée pour l’Église catholique dans notre pays de France.
« Comment ne pas admirer au surplus, l’action de la Providence qui s’est servie de cet homme de Dieu qu’était le Père Chevrier pour lui faire produire même au-delà de ses pensées personnelles, tout l’idéal que comporte l’œuvre dont il a lui-même jeté les premiers fondements ? Cette œuvre devait porter dans le monde l’idéal de la sainteté et de la pauvreté du Christ dans la conquête des âmes et il se trouve qu’aujourd’hui, par la formation d’un clergé qui s’inspire de cette pensée, l’idée non seulement se fait jour, mais encore s’avère de plus en plus assurée et puissante… »
Rendant compte de la cérémonie, le quotidien indépendant La Liberté avait conclu sur un sentiment général : « L’Église de Lyon peut se réjouir, elle a bien l’évêque qu’il lui faut dans les temps que nous vivons .»
Au Prado aussi on était en liesse. Aimé Suchet dit simplement, au cours des nombreux toasts qui suivirent le repas du sacre : « Ce qui nous a surpris d’ailleurs, ce n’est pas qu’on ait jeté les yeux sur notre Supérieur ; ses mérites nous sont trop connus… mais c’est que l’abri qu’il s’était volontairement choisi en venant parmi nous, se soit révélé inefficace. »
[…]

Alfred Ancel n’était pas l’évêque du Prado

Extrait (pages 143-144) de l’ouvrage de Mgr Olivier de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984, Centurion,1988.

[…] Alfred Ancel n’était pas « l’évêque du Prado», quelles que fussent les confusions qu’en dehors de Lyon on pouvait entretenir à ce sujet. Mais il est juste de reconnaître que sa fonction d’évêque, en l’introduisant comme un égal parmi ses pairs dans l’Église de France, lui ouvrit bien des portes. Son autorité personnelle faisant le reste, cette ordination du 25 mars 1947 eut sur l’histoire du Prado, et, indirectement, sur celle de l’évangélisation du monde ouvrier français, des répercussions qu’il y aurait lieu d’évaluer. Mgr Ancel entendait distinguer, quant à lui, ses deux fonctions très astreignantes, et on se demande où il a trouvé le temps d’accomplir tant de tâches, depuis les confirmations jusqu’aux innombrables conférences et réunions avec les groupes les plus divers. Son excellente santé, sa capacité de s’endormir sitôt la veilleuse éteinte à une heure avancée de la nuit, sa souplesse étonnante pour passer d’un travail à l’autre n’expliquent pas tout. Il avait aussi une aptitude à vivre en présence du Christ, dont il avait conscience, partout, d’être un « représentant ».


L’hypothèse que Mgr Ancel quitte Lyon pour devenir l’évêque titulaire d’un grand diocèse fut faite plus d’une fois… par d’autres que lui-même. La plus sérieuse des alarmes qu’il connut en ce sens ne tarda guère après sa nomination, puisqu’elle survint précisément à la mort du cardinal Suhard le 30 mai 1949. Parmi les noms qui circulaient déjà depuis le début de la maladie de ce dernier pour son remplacement à Paris, celui d’Alfred Ancel revint avec une telle insistance que celui-ci crut nécessaire d’écrire au cardinal Gerlier :
« Éminence,
« Vous ne pouvez ignorer certains pronostics qui se font à mon sujet, concernant la succession du cardinal Suhard (…). Si jamais vous appreniez que mon nom était mis en avant, je vous serais reconnaissant de faire connaître à la nonciature, avant que l’on ne procède à des démarches plus officielles, certaines objections que je crois, en conscience, devoir exposer (…). » Ici, le Père Ancel mettait en avant ses « déficiences personnelles ». Puis : «Je suis de plus en plus persuadé que le Prado est œuvre de Dieu, que le message du Père Chevrier vient d’en haut et que la rénovation spirituelle qu’il a voulue-selon l’Évangile est un moyen providentiel que Dieu a mis à la disposition de son Église pour qu’elle puisse mieux s’adapter aux besoins contemporains. Si on avait écouté plus tôt le message du Père Chevrier, il me semble qu’il ne se serait pas établi, entre les ouvriers et l’Église, cette barrière qui paraît maintenant infranchissable. La mission du Père Chevrier date de 1856. Elle a suivi de huit ans le Manifeste du Parti communiste. Il y a des rapprochements qui s’imposent (…).»


Enfin, après avoir rappelé au Cardinal que le Prado est en pleine extension et lui avoir dit qu’à son point de vue personne n’est encore prêt à lui succéder, il révèle pour la première fois à son archevêque un projet qu’il a nourri en lui : « … J’espère bien que, d’ici quelques années, je pourrai laisser à d’autres la place que j’occupe au Prado. Je pourrais, à ce moment-là, demander au Souverain Pontife la permission de rejoindre nos prêtres travaillant en usine. Ils aimeraient avoir un évêque avec eux. Certes, ils sont heureux de la confiance qui leur est témoignée par la hiérarchie. Mais s’ils avaient un évêque avec eux, leurs camarades ouvriers comprendraient mieux qu’ils sont d’Église. Restant évêque auxiliaire de Lyon, je pourrais à la fois, si je pouvais vivre avec eux, marquer l’unité de l’Église et son établissement dans le prolétariat.»

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