Lettre de Noël 2023 – « Faites, Ô Christ, que je vous connaisse et que je vous aime » (A. Chevrier)

Chers frères et amis du Prado,

Le mystère de l’incarnation va bientôt se renouveler et nous redonne la bonne nouvelle d’un Dieu qui a « tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16).

Ce mystère nous conduit dans Le mouvement de la gratuité de l’Amour. Il s’approche comme le kairos de l’Amour éternel du Père qui, dans sa fidélité, continue à se donner en son Fils. Dieu nous communique ce qu’il est : La vie éternelle. C’est ainsi que le mystère de l’incarnation devient source de vie nouvelle grâce à l’action secrète de l’Esprit Saint en nos cœurs et dans le monde.

Il est beau de contempler le désir de Dieu de se communiquer, de se faire petit, de devenir un enfant emmailloté comme n’importe quel enfant qui se laisse choyer par la tendresse d’une mère et d’un père.  

Le père Duret, premier successeur du père Chevrier, témoigne de combien « le Verbe fait chair » était présent dans le cœur et la pensée du père Chevrier : « …O mes enfants, Jésus Christ, le Verbe fait chair, c’est la lettre vivante que Dieu a envoyée au monde et le monde l’ignore. Oh !’il faut la lire à genoux, avec un grand respect. Il vous faut étudier Jésus-Christ et l’aimer, vous attacher à Lui et Le suivre. »

« La lettre vivante que Dieu a envoyée au monde » nous renvoie à la racine de notre vocation pradosienne : à l’Envoyé du Père, au Verbe fait chair. Le fait de « La lire à genoux » montre que c’est la foi qui nous approche du contenu de cette « lettre ». Puis, Le « grand respect », évoque l’amour qui nous le fait contempler sans nous l’approprier. Le respect évoque une ouverture de cœur pour se livrer et lui permettre de s’inscrire en notre chair. La grâce est partagée, elle est communiquée par l’initiative divine et produit cette intime union d’esprit. La contemplation devient pour nous tous, un espace de communion et un chemin de fécondité missionnaire.

Ce don gratuit d’amour est surprenant, il nous déplace et nous attire vers lui. Ainsi, nous pouvons choisir la communion avec Le Verbe qui, en prenant chair de notre chair, nous associe à son être de Fils et d’Envoyé c’est-à-dire « missionnaire » de l’amour de Dieu.
Ce don communique une grâce qui, sans doute, est à accueillir pour se laisser envelopper dans « cette divine lumière » à la manière d’Antoine Chevrier. Cette grâce nous émerveille. En se proposant dans l’aujourd’hui de nos cœurs humains, souvent assombris et déçus par les évènements, elle nous renouvelle. Le don de Dieu est permanent. Mais c’est La Parole de Dieu, annoncée pendant la célébration liturgique, qui fait actuel Le don de Dieu : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Le 2,11 ; Is 9,5).
Au cœur de la nuit de Noël, au cœur de nos nuits, au cœur de la nuit du monde, il y a une voix qui, comme une lumière, brise l’épaisseur des ténèbres et annonce la présence d’un Sauveur.
La méditation de Chevrier nous guide encore une fois : «il vous faut étudier Jésus Christ et l’aimer, vous attacher à Lui et le suivre. » La lumière montre Le chemin, et elle demeure même si nous sommes immergés dans l’ombre de la haine et de la violence qui se manifestent dans les conflits actuels entre peuples.

La consolation de l’incarnation se trouve dans le fait que le Verbe, en se faisant homme, est impliqué avec tout homme et toute femme. « Le Verbe fait chair », nous porte en lui-même. Il assume ainsi l’humanité, la purifie, l’élève jusqu’à son aboutissement. En se faisant pauvre, le Verbe nous accueille dans sa pauvreté. Il nous conduit dans son être tout orienté au Père avec l’oreille ouverte pour l’écouter et lui obéir. Ainsi, se faire pauvre pour nous devient le don d’une richesse qui nous porte et donne valeur à l’humanité blessée par Le péché. Le Christ porte l’humanité pauvre des agresseurs qui par leurs actions blessent leurs prochains.

Le Christ porte l’humanité pauvre des victimes qui cherchent à retrouver leur dignité et auto estime pour cheminer vers leurs épanouissements.
Le Christ porte l’humanité pauvre des migrants et des réfugiés qui est blessée et exploitée.
Le Christ porte l’humanité des peuples dépourvus d’avenir étant dépouillés des biens nécessaires à leur survie.
Le Christ porte l’humanité pauvre des politiciens appauvris d’un idéale, en restant enchainés à des logiques de partis, et manquent de vision du bien commun.
Le Christ porte l’humanité des communautés chrétiennes qui s’appauvrissent par manque de connaissance de l’Envoyé et, pour cela, souffrent de créativité et d’intelligence apostolique.
Le Christ porte l’humanité pauvre des disciples et apôtres qui sont renfermés dans leur désillusion face aux difficultés de témoigner leur appartenance au peuple de la nouvelle et éternelle Alliance.
Le Christ porte l’humanité pauvre de chacun de nous qui est marqué par la limite existentielle et pourtant habitée par le désir d’un amour total.
Le Christ porte l’humanité pauvre de tous ceux qui vivent pour eux-mêmes et non pour Dieu, le Père. Pour ceux qui remplacent le désir de Dieu avec les biens matériels et Les joies éphémères de la « ritualité du consumérisme ».

Dieu vient vers nous, il héberge en lui-même l’humanité désireuse de sortir des ténèbres. Le chemin qu’il indique est lisible dans le mystère du Verbe fait chair. C’est la Lumière de sa Gloire qui, en ces jours, de nouveau resplendira aux yeux de notre esprit, et nos cœurs se rempliront d’amour et d’une joie sainte (d’après la préface de Noël).

Le bienheureux Antoine Chevrier écrit : « L’amour de Jésus-Christ nous détourne de tout ce qui ne tend pas à lui, de tout ce qui ne va pas à lui, même dans nos parents, nos amis, nos proches ; nous ne pouvons supporter quelque chose qui ne tourne pas à la gloire et à l’amour de Jésus-Christ et nous disons comme Jésus-Christ lui-même à Pierre qui ne pensait pas selon Dieu : retire-toi, Satan, tu m’es un scandale ». (VD 115)

Sachons, donc, chers frères et amis, avancer dans ce monde avec Esperance. Cherchons à accueillir Le Pauvre qui demande à naître dans notre pauvreté personnelle. Laissons-nous aimer par la Parole qui nous questionne et nous oriente vers l’homme nouveau, recréer à la stature du Christ, notre espérance.
Entrons sans hésiter dans la grâce de Noël pour participer au mystère d’amour de Dieu.
Laissons-nous façonner par l’Esprit saint qui le fait devenir chair de notre chair. Avec empressement devenons à notre tour une « lettre lisible » par le peuple de Dieu, par les pauvres notamment. Alimentons sans cesse le « désir sincère de devenir des saints pour sanctifier les autres » (Lettre 12)

Joyeux Noël !

Père Armando Pasqualotto

Père Luc Lalire Père Sergio Braga Dos Santos Neto